J’ai coaché Vincent il y a presque un an. La dernière fois que nous nous étions parlé, il était aux anges avec sa nouvelle vie de célibataire. Sans trop forcer, il avait des rendez-vous avec de jolies filles avec qui il passait de bons moments. Le jour venu pensait-il, il en rencontrerait une qui lui plairait un peu plus que les autres et ils se mettraient en couple. Oui mais voilà, les choses ne sont pas toujours aussi simples.
Entendons-nous bien, sortir avec une fille est désormais largement à sa portée. Il rencontre régulièrement des filles, certaines qu’il revoit régulièrement pour se faire une bouffe et finir à l’horizontale. Ses années d’inaction et de timidité généralisée en présence de la gente féminine sont bel et bien derrière lui.
Et puis, il y a eu CETTE fille. Plus belle, plus brillante et plus mystérieuse que les autres, on peut dire qu’elle lui a fait de l’effet. Il me recontacte donc pour une séance de coaching et après quelques politesses d’usage, il déballe ce qu’il avait sur le cœur.
– J’ai vu cette fille à un événement. J’étais là pour le boulot, elle aussi et je n’avais pas trop de temps. Directement, je me suis dit : ‘Toi, je viens tout juste de te voir pour la première fois mais j’ai envie de te parler, j’ai envie de te connaître. Cela ne s’explique pas. Je bosse et je vois que toi aussi mais essayons de nous voir avant la fin de l’événement.’
– C’est que tu as pensé ou c’est ce que tu lui as dit ?
– Non, ça c’est ce que j’ai pensé.
– Dommage, c’était parfait avec les accents de sincérité que tu viens d’y mettre en me le racontant. Tu lui as dit quoi alors ?
– Je ne sais plus trop. Je crois que je lui ai posé deux trois questions sur la boîte pour laquelle elle bosse. Je ne voulais pas me griller directement.
– Soit, continue.
– Un peu plus tard après l’événement, tout le monde a fini à une after-party. Je lui ai parlé un peu. Elle a continué à me plaire toujours un peu plus chaque fois qu’elle prononçait un mot. Je n’en revenais pas.
– Vous avez échangé vos contacts en partant ?
– Non, mais je l’ai cherché sur Google, j’ai trouvé son Linkedin et comme elle est un peu connu j’étais surpris de trouver aussi son Facebook alors je l’ai rajoutée.
– Elle ne te l’a pas donné donc. C’est toi qui l’a retrouvé, c’est ça ?
– Oui mais ce n’est pas un problème. Elle m’a ajoutée en quelques minutes et nous avons tchatté sur Facebook.
– Vous avez parlé de quoi ?
– La St Valentin approchait alors je lui ai proposé de se faire un restau le soir de la St Valentin. Elle m’a répondu qu’elle avait déjà un ami à voir ce soir-là. Pour plaisanter, je lui ai dit que je lui enverrais une carte et des fleurs. Elle m’a même indiqué son adresse postale.
– Tu l’as fait ?
– Non, mais je pense à elle tout le temps. Je crois que je suis amoureux.
Alors ça oui, pour être amoureux, il est amoureux. Il est même amoureux au point de balancer par la fenêtre à peu près tout ce qui avait fait son succès depuis des mois. Lui qui avait appris à gérer ses émotions et à prendre les choses pas à pas, décide soudain de taper un sprint pour prouver son amour éternel à une fille qu’il a croisée une fois en soirée.
Tout ce qui marchait si bien avec les filles rencontrées avant celle-ci, il ne l’applique plus. Au lieu de cela, il la cherche sur Google et l’invite au restau pour la St Valentin. Son explication : cette fille est spéciale à ses yeux. Il rêve d’un futur avec elle et va bien plus vite que la musique.
Cela ressemble fortement à de l’auto sabotage. S’il voulait s’y prendre pire, il n’aurait pas pu faire mieux. Lui qui est capable d’être si cool, détaché, drôle et authentique nous ressort des méthodes qui ne marche que dans les romans à l’eau de rose.
Pour le dire simplement, il a paniqué devant l’enjeu, il s’est emballé et il a négligé les basiques. Ces petites choses simples qui ont fait son succès auprès de filles qui l’émouvaient moins. C’est d’autant plus dommage que c’est précisément avec cette fille que ses mois d’apprentissage se seraient vus couronner.
Il l’a aisément compris à l’issue de notre séance.
– J’avais trouvé le mode d’emploi et j’ai fait exactement l’inverse avec celle qui me plaisait le plus.
Ce « mode d’emploi » dont il parle, ce n’est pas une liste de choses à faire où à ne pas faire. C’est plus simple et cela peut se résumer à des principes fondateurs dans n’importe quelle relation humaine saine et épanouissante: l’authenticité et la réciprocité.
Ce qu’il aurait pu faire :
Utiliser sa première idée pour l’aborder. Là, il aurait eu du panache du fait même de sa spontanéité. Cela annonçait la couleur un petit peu mieux que de lui parler boulot.
Ensuite, il aurait pu lui demander son numéro ou son Facebook plutôt que de le dénicher en ligne.
Enfin il aurait pu, au lieu de forcer l’engagement en lui proposant les fleurs, le restau, la St Valentin et tutti quanti, lui proposer d’aller boire un verre n’importe quel autre jour de la semaine. D’autant que ce faisant, il se prive de l’occasion de lui montrer ses vraies qualités ; celles-là même qui plaisent généralement aux filles qu’il rencarde.
En somme, il aurait pu faire un pas dans sa direction et lui laisser à elle le soin d’en faire un dans la sienne. Là, il donne tout et tout de suite comme s’il était pressé de décrocher le gros lot. L’erreur serait de penser que c’est super-romantique et que la fille va adorer. Cela donne davantage l’impression que le mec est en train de partir dans un délire solo sur la base d’une seule et brève rencontre. C’est tout sauf authentique.
Si vous aussi, vous vous retrouvez à faire du grand n’importe quoi quand la fille est « spéciale », rappelez-vous ce vers de Racine :
« Qui veut voyager loin ménage sa monture. »